On a tous quelque chose de Joséphine en nous
Joséphine, bénévole jusqu’au bout des doigts
Joséphine a débarqué chez moi, accueillie par ma fillette en attendant que je ne raccroche. Celle-ci ne nous a d’ailleurs pas quittées. Joséphine au grand sourire, sportive, la cinquantaine, visage épanoui. Vous savez, ce genre de visage dont on sait que son propriétaire est sympa et heureux ?
Une amie commune nous avait promis que nous aurions des tas de choses à nous dire, alors c’était un peu intimidant ! Je lui explique Adopte Une Asso, elle me raconte ce qu’elle fait aujourd’hui. En fait Joséphine n’est pas bénévole mais multi-bénévole : sa vie se déploie autour de l’aide aux autres, et aussi du sport. Sans conjoint ni enfants, précise t’elle, elle a une vie jolie, tournée vers les autres, très épanouissante pour elle-même. D’autant plus qu’elle passe beaucoup de temps en extérieur et à pratiquer du sport !
Concrètement, Joséphine fait l’accueil aux Restos du Cœur en région lyonnaise. Elle accompagne aussi des demandeurs d’emploi dans leurs démarches et recherches avec l’Armée du Salut. Elle animait un jardin partagé avec le Secours Catholique également jusqu’à peu. Elle est trésorière d’une association de malades. A part ça, elle est aidante de sa tante qui devient âgée, ce qui lui prend aussi pas mal de temps. Elle explique qu’elle a toujours été comme ça, à vouloir aider les autres, que c’est naturel pour elle, c’est ce qu’elle aime faire. Elle a accompagné sa maman malade pendant plusieurs années aussi, ce qui fait qu’elle « sait » accompagner.
« Elle ferait mieux de s’occuper d’elle-même : vraiment ?? »
A écouter Joséphine égrener toutes les missions de bénévolat qu’elle assume, son rôle d’aidante familiale, sa reconversion vers le métier d’aide à domicile (à temps partiel pour avoir le temps pour le bénévolat), les dons qu’elle fait par ci par là malgré des revenus modestes, beaucoup se diraient : « celle-ci sacrifie sa vie pour les autres, c’est trop, elle ferait mieux de s’occuper d’elle-même et de profiter de la vie ! »
Et c’est là que justement on se trompe. Le bénévolat et l’engagement dans des projets tournés vers les autres donnent du sens à toute une vie, et génèrent au quotidien un sentiment d’utilité, de reconnaissance, de gratitude qui maintient un haut niveau de bonheur. Ca s’explique même chimiquement parlant ! Le corps sécrète des hormones et des neurotransmetteurs en réponse à de nombreuses actions qu’on retrouve dans les engagements de Joséphine :
- créer des liens forts avec les autres bénévoles et les personnes aidées ;
- obtenir de la gratitude, de la reconnaissance ;
- voir que ses actions sont utiles immédiatement, voire indispensables ;
- avoir le sentiment d’agir et non pas de subir, etc.
Ces éléments chimiques maintiennent le cerveau et le corps dans un état de bien-être qui incite à poursuivre les activités à l’origine du phénomène ; c’est un cercle vertueux puisqu’évidemment c’est utile aux autres en même temps !
Il y a un autre bienfait quand on aide, c’est la reconnaissance de la chance qu’on a, de ne pas avoir ces problèmes : être au chômage, en précarité… On voit mieux ce qu’on a, et nos problèmes nous semblent plus modestes.
Le bénévolat, une drogue douce ?
J’ai oublié de préciser que Joséphine donne son sang et ses plaquettes dès qu’elle peut, et elle a pris l’habitude de regarder (ou au moins, lancer) des vidéos sur chaque matin pendant 10 minutes sur Gooded. Ca permet à des associations de toucher des fonds issus des revenus publicitaires. Dans le même genre d’idée, Joséphine utilise le moteur de recherche Lilo, qui reverse des fonds à des associations (personnellement j’utilise Ecosia qui permet de planter des arbres, chacun son truc !)
En raccompagnant Joséphine à sa voiture, je me rappelle les mots affectueux de notre amie commune : « Tu vas voir, elle est « shootée » au bénévolat ». Chimiquement parlant, il y a sûrement du vrai, à cause des neurotransmetteurs dont je vous parlais. C’est une jolie drogue en tout cas, avec des effets secondaires bons pour tout le monde et pour la planète ! Et Joséphine est une bénévole aguerrie qui a du recul sur tout cela et connait le risque de « burn out de l’aidant ».
Il n’est pas nécessaire d’être muti-bénévole : le bénévolat agit à petite dose !
Ceci étant, il n’est pas nécessaire d’être multi-bénévole ! Le bénévolat a de grands effets même à petit dose, et peut prendre sa place dans votre vie au milieu de toutes vos autres activités, pour y apporter du sel, du sens et du plaisir…
Le regard d’Evie Rosset, enseignante-chercheure, cofondatrice du Maac Lab, spécialisée en psychologie positive
“Ce portrait m’inspire de nombreuses réflexions en tant que psychologue.”
Tout d’abord, il faut souligner qu’on a tous un peu de Joséphine en nous, même si on n’a pas besoin d’être tous multi-bénévoles ! On pense souvent que l’intérêt pour les autres, l’envie d’aider, est un trait de caractère que certains auraient, et d’autres pas. Mais ce n’est pas la vérité : tout le monde peut ressentir le bonheur d’aider les autres. On voit dans ce témoignage que Joséphine a eu beaucoup d’opportunités, dans sa vie, d’aider. Ces opportunités ont déclenché un goût pour le fait d’aider les autres, et elle a progressivement développé cette identité de personne « aidante ». Il est capital d’avoir eu des opportunités d’aider, pour en ressentir les bienfaits et y prendre goût.
“On pense souvent que l’envie d’aider, est un trait de caractère que certains auraient, et d’autres pas. Mais ce n’est pas la vérité. L’important est d’avoir eu des opportunités d’aider.“
Je réagis aussi à la phrase : « Elle ferait mieux de s’occuper d’elle-même au lieu de se sacrifier pour les autres ». Cela reflète un malentendu général sur le fait d’aider : on pense que donner, c’est perdre (perdre du temps, de l’argent). Or, donner c’est le plus souvent recevoir, recevoir du sens, de la gratitude, de la confiance en soi…
“On pense que donner, c’est perdre, alors qu’en fait c’est recevoir“
J’aime bien la conclusion de cet article : on n’a pas besoin d’être multi-bénévole. Il faut vraiment souligner cela, on a tous un peu de Joséphine en nous, on a tous les mêmes neuro-transmetteurs qui ne demandent qu’à s’activer pour nous rendre heureux. Il faut se permettre de se donner davantage l’identité de quelqu’un qui aide.
Il faut se donner à soi-même l’occasion d’aider, pour révéler la personne aidante qui est en nous.