Le bénévolat avec un handicap psychique : pour se reconstruire

Les maladies et troubles psychiques, qu’ils soient légers ou lourds (schizophrénie, bipolarité, dépression…)  ont ceci de particulier que l’état de la personne est variable, au fil du temps. Vivre avec un handicap psychique s’apprend, se construit, et de nombreuses associations accompagnent les personnes et leurs proches sur ce chemin. Certaines proposent du bénévolat aux personnes : le bénévolat permet d’avoir un rythme, une activité sociale et une utilité concrète dans la société, avec une pression moindre qu’un emploi.

Nous avons voulu en savoir plus en interviewant l’ancien directeur du ClubHouse (*) de Paris, et l’un des fondateurs de la radio Vivre FM (**).

L’exemple du ClubHouse à Paris : le bénévolat au cœur du projet

Au ClubHouse de Paris, les personnes accompagnées ont, ou ont eu, une maladie psychique lourde (dépression, schizophrénie, bipolarité, autres troubles…). « Je n’ai plus les mêmes capacités qu’avant… » « Je peux tomber malade à tout moment… » « Je ne supporte plus la pression… »… La crainte que la maladie empêche tout à coup d’être fiable dans son travail, la fatigabilité et le stress, sont de vrais freins pour (re)trouver un emploi.

Le bénévolat avec un handicap psychique : pour remplacer l’emploi, ou comme tremplin vers l’emploi

Le bénévolat peut alors être vu comme une étape, ou comme une fin en soi pour certains qui y trouveront leur compte. Au ClubHouse Paris, le bénévolat fait partie du projet de l’association : il y a un salarié qui s’occupe de cette question. Première étape : les personnes sont invitées à participer, bénévolement, à la vie du clubhouse. Le Clubhouse est le lieu où se passent les rencontres, les activités : organiser les activités, accueillir les gens, préparer à manger, faire le ménage, la compta…

Assez vite, on leur propose d’aller faire du bénévolat à l’extérieur. La méthode est le plus souvent individualisée : partir de la passion de la personne, de ce qu’elle aime faire, pour chercher une association qui colle avec ses goûts. Par exemple, une personne aimait les échecs : elle a commencé à s’inscrire à une association d’échecs, et peu à peu s’est investie pour organiser les séances et les tournois et devenir un bénévole précieux.

« Le bénévolat peut être vu comme une étape, ou comme une fin en soi pour certains ».

Du bénévolat à la carte, ou en collectif

Le ClubHouse n’est pas en manque d’idées sur cette question, et peut aussi monter un partenariat avec une autre association qui a besoin de bénévoles. Par exemple, des personnes à Paris ont fait la cuisine, le service et la plonge, régulièrement, lors de diners caritatifs organisés par une association pour lever des fonds pour ses projets en Afrique. A Lyon, des bénévoles ont participé au festival Lumière. L’avantage de ce format, c’est que les personnes peuvent faire du bénévolat à plusieurs ; parfois c’est plus facile.

Moins de pression dans le bénévolat qu’en emploi

« Le bénévolat, c’est très souple : quelques heures par semaine, ou plus, selon les envies. De plus, le fait de ne pas être payé, fait baisser la pression et apporte de la liberté. Un membre disait : « avant de retrouver un emploi, je dois retrouver un emploi du temps », et le bénévolat facilite cela. » explique l’ex directeur de Paris.

Le bénévolat avec un handicap psychique, un équilibre à trouver

Chaque personne est différente. Pour certains, c’est compliqué de ne pas être payé pour le travail bénévole qu’ils font, de vivre des allocations. D’autres y trouvent leur compte au global, ça devient leur projet dans la durée. Dans tous les cas, comme pour l’accès à l’emploi, ça nécessite un accompagnement car les personnes se savent fragiles. Chercher l’association, faire les entretiens, être accompagné la première fois, faire le lien pour pouvoir parler des difficultés qui pourraient surgir. Ca demande aussi une attention spécifique de la part de l’association qui accueille le bénévole, pour que tout se passe bien et que peu à peu il devienne un bénévole « comme les autres ».

Témoignage bénévolat avec un handicap psychique : l’exemple de la radio Vivre FM

« Les personnes en situation de handicap venaient d’abord à la Radio dans un cadre de formation, pour une remobilisation professionnelle, en tant que stagiaires. Il faut savoir que dans le champ de la psychiatrie, les personnes ont des moments de répit, où les difficultés sont moindres. Le stage à la radio était une étape leur permettant de retrouver confiance en eux, de retrouver des repères horaires, de réactiver des compétences transversales comme la bureautique élémentaire, de reprendre les habitudes de savoir-être dans un collectif de travail.

Quand le bénévolat permet de reprendre pied dans une vie normale

Une fois le stage terminé, les personnes étaient supposées retrouver un travail ordinaire. Certains ont été embauchés dans l’équipe de Vivre FM, d’autres ailleurs, sans rapport avec ce qu’on faisait à la radio. Pour certains, le retour à l’emploi était une perspective plus lointaine. Rester en tant que bénévoles chez Vivre FM permettait de conserver cette bonne dynamique, ce rythme quotidien, le lien avec les autres aussi. Les activités des bénévoles étaient du plus, sans obligation ni pression : des recherches complémentaires, des coups de main selon les compétences, des interviews et petits reportages. Chacun s’investissait à hauteur de ses envies et capacités.

«  L’accueil de bénévoles faisait partie du projet, cela permettait à une dizaine de personnes de se reconstruire »

Le principe était l’entraide entre toutes les personnes de Vivre FM, c’était au cœur du projet. Il y avait les bénévoles, des stagiaires en école de journalisme, des salariés : une alchimie naissait entre ces différentes personnes. Cela reposait sur une véritable bienveillance des uns et des autres. Cela permettait ainsi à une dizaine de personnes en situation de handicap psychique d’avoir une activité bénévole utile et valorisée.

Pour que ça marche, nous avons posé un cadre, clarifié des missions, organisé le travail entre salariés, stagiaires et bénévoles.

Une nécessité de bienveillance et de cadre familial

La force de ce bénévolat, c’était de pouvoir donner un rôle, une mission, une utilité à chaque bénévole ; c’est ce qui permettait à chacun de se reconstruire. La reconnaissance est fondamentale, il faut prendre le temps de valoriser les actions et les résultats des personnes, ce qu’elles ont apporté au collectif. C’est cette reconnaissance qui est un socle précieux dans un cadre de rétablissement, qui permet de retrouver la confiance en soi.

La limite à mes yeux, c’est la nécessité d’un petit groupe, d’une échelle presque familiale. Un groupe trop important empêcherait la proximité et le vrai lien, et l’apport de chacun serait davantage dilué dans le collectif, donc moins facile à valoriser.

Deux témoignages inspirants pour Adopte Une Asso

Nous remercions sincèrement Jean-Philippe et Vincent pour leurs témoignages, qui nous permettrons de mieux accompagner les futurs bénévoles. Nous retenons :

  • L’importance d’aller vers les personnes pour leur proposer du bénévolat à une étape de leur vie où il peut accélérer le rétablissement
  • La nécessité d’adapter les missions à chaque personne, de prendre le temps de trouver un cadre favorable pour elles, de sensibiliser l’association accueillante aux besoins particuliers du bénévole, si besoin
  • L’importance que le bénévole se sente partie prenante d’un petit collectif bienveillant, à taille humaine, facteur de lien
  • L’importance de la reconnaissance des résultats, de la valorisation de ce qui est apporté gratuitement, du « merci » ; c’est ce qui renforce l’estime de soi et procure des émotions positives durables. C’est ce que tous les bénévoles recherchent, mais pour ces bénévoles-là, c’est crucial…

(*) Les ClubHouse sont des lieux tremplin pour l’insertion sociale et professionnelle de ceux que la maladie psychique a exclus. Dans chaque ClubHouse, les membres viennent selon le rythme qui leur convient afin de partager des activités qui remettent en mouvement vers une vie sociale (et parfois professionnelle) retrouvée. www.clubhousefrance.org

(**) Vivre FM est une radio associative émettant en Ile de France sur le 93.9, et sur internet. Créée pour donner la parole aux personnes concernées par le handicap, le grand-âge ou la maladie, elle traite aujourd’hui de toutes les différences. www.vivrefm.com

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