André : le bénévolat comme point d’entrée dans la société
Contexte
C’est grâce à l’association SINGA que nous avons rencontré André, car il cherchait à faire du bénévolat, dans l’attente de ses papiers car il est demandeur d’asile. Très motivé, il souhaitait partager ses compétences informatiques. Quelques semaines après, nous l’avons interviewé au sein de l’association Weeefund, où il est maintenant bénévole.
Bonjour André, comment s’est éveillée en toi l’envie de faire du bénévolat ?
Bonjour, je suis bénévole chez Weeefund, enseignant en informatique de métier et actuellement demandeur d’asile en France. Avant Weeefund, j’ai déjà fait du bénévolat chez une ou deux associations. Chez Singa par exemple, je participais aux ateliers de cuisine. Au Togo, j’ai créé des associations où je formais les étudiants au numérique. Mais c’est en France que j’ai découvert ce que veut dire “faire du bénévolat, et je me suis dit que ce serait une bonne façon d’être utile avec mes compétences en attendant…
Comment as-tu trouvé ta mission de bénévolat chez Weeefund ?
J’ai rencontré Cyprien par hasard, le fondateur. Il s’est présenté et m’a demandé : “C’est toi l’informaticien ?”. C’était ma colocataire qui lui avait parlé de moi ! Cyprien m’a posé des questions, on était tous deux dans le domaine de l’informatique. “Pourquoi ne pas venir faire du bénévolat chez nous ?” Et j’ai tout de suite dit oui.
Quelles sont tes missions de bénévolat ?
Chez Weeefund, on récupère du matériel informatique et on le reconditionne. J’ai commencé à faire des tests sur les machines, ensuite un inventaire. Maintenant, je suis sur la réparation. J’ai ici mon petit bureau et je ressuscite les ordinateurs !
Qu’est-ce que ton engagement bénévole t’apporte ?
Ça m’a apporté un grand plus de venir ici. D’abord, l’environnement me plait : les collègues sont gentils, l’eau coule entre nous..
Je me sens heureux et ça m’aide aussi à chasser les mauvais souvenirs, vu ce que j’ai traversé depuis mon pays. Avec tout ce que j’ai eu à endurer avant d’arriver en France, j’étais un peu abattu. C’était grâce à l’aide d’ un psychologue que j’ai pu m’en sortir. Depuis que j’ai commencé avec Weeefund, ça m’a permis de regagner confiance en moi. Je viens le matin et je fais des choses qui sont intéressantes. Je recycle des ordinateurs, l’équipe est contente donc ça me fait du bien aussi. Je me retrouve dans mon domaine, dans ce que je voulais faire dans ma vie.
Et puis, on partage beaucoup. Quand je fais certaines choses qu’ils ne savent pas faire, ils me demandent comment je fais, et je leur montre. Et moi aussi je pose des questions, c’est un échange de compétences et de connaissances.
Et j’ai eu à travailler sur des systèmes d’exploitation que je n’avais pas utilisés dans le passé : j’apprends beaucoup de choses. L’informatique est un domaine où il faut faire beaucoup de mises à jour. Quand tu laisses l’informatique pendant, 6 mois, 1 an, comme moi, tu perds des notions. Aujourd’hui je suis en pleine résurrection : je me retrouve. Les notions perdues reviennent.
Le but de Weeefund est de donner les moyens aux gens de faire face à la fracture numérique, est-ce que ça te plait comme projet ?
On fait des dons de machines à des associations, on les reconditionne pour pouvoir aider les gens. Psychologiquement pour moi, c’est très positif. Ça me fait du bien.
Avec notre action, on arrive à donner du plaisir aux jeunes étudiants qui n’ont pas les moyens d’acheter un ordinateur, on les aide à avoir un accès aux outils numériques.
Le bénévolat est pour toi, un pas vers la société française ?
Ma situation en France n’a pas évolué, j’espère qu’elle évoluera positivement. Mais le fait de faire du bénévolat me permet déjà de me lancer dans la société française.
Par exemple, j’ai participé à l’AG de Weefund il y a deux semaines, et ils m’ont présenté avec ces mots : “C’est André, celui qui ressuscite les ordinateurs. On ne sait pas comment il fait la magie, mais il arrive à tout faire.” Ça m’a fait du bien. Je suis rentré chez moi et je n’en revenais pas. Je me suis dit : “Donc moi, je suis utile. Utile dans la société jusqu’à ce qu’on parle de moi en AG”.
Qu’est-ce que tu dirais aux personnes qui peuvent se reconnaître en toi ? (Sa voix tremblait un peu. Il a pris le temps de composer ses phrases)
Sur ce point, je ne connais pas la situation de chacun des migrants, des exilés.
Moi, j’avais un bon CV avant d’arriver en France, donc je me suis lancé sur différents terrains. J’ai recherché et fait des missions de bénévolat avant de tomber sur Weeefund. Pour moi, lorsque l’on est exilé ou que l’on arrive sur une nouvelle terre, il ne faut pas perdre sa confiance en soi. Tant qu’il y a la vie, on peut toujours se reconstruire. J’invite les personnes qui sont dans la même situation que moi, qui ne font rien et sont à la maison, à aller vers les associations, demander à faire du bénévolat partout, par tous les moyens, de se rendre utile. Je suis arrivé en France, après un mois j’ai commencé à faire du bénévolat. Parce qu’une fois qu’on reste seul, c’est stressant. Tout ce qu’on a eu à traverser ressurgit et cela peut apporter des choses négatives sur la vie de l’Homme. Le fait de s’engager dans une association ou sur un sujet, une mission, te fera d’abord du bien. Puis c’est une autre formation : tu apprends toujours de nouvelles choses. Et après, tu auras à apprendre des gens : à partager ce que tu as acquis de l’autre côté. C’est reconstruire la confiance en soi : voilà je suis dans un pays nouveau mais je peux faire quelque chose aussi. Je peux aider les gens.”
Quelques mots sur Weeefund en compagnie de Valentin, responsable de production.
Parlez-nous de Weeefund.
L’association a pour but de réduire l’impact écologique que peut avoir l’informatique et de travailler sur l’inclusion numérique. Nous récupérons les ordinateurs d’entreprises, les reconditionnons et les donnons à des personnes qui n’ont pas accès au numérique, ou à des associations qui les accompagnent. L’association a été créée en 2017. C’est une équipe de 10 personnes. En 2021, ce sont plus de 1000 ordinateurs fixes et 350 ordinateurs portables.
Comment se passe l’intégration d’André ?
L’intégration d’André s’est faite de manière très naturelle et logique. Notre projet et ses compétences se complètent.
Il y a eu un petit temps de formation : le temps qu’il s’approprie nos outils, qu’il s’habitue aux lieux. Dans un deuxième temps, en tant que bénévole, on le laisse libre sur les réparations qu’il peut faire. On va faire aussi quelques investissements vu qu’il a des capacités techniques un peu plus avancées que celles qu’on utilise de manière générale. On va faire en sorte qu’il puisse aller aussi un peu plus loin dans certaines choses.
Comment mobilisez-vous les bénévoles ?
C’est surtout pour des actions “coup de poing” : le fait de refaire l’inventaire, lorsqu’on a des missions de manutention. Sinon, on accueille des bénévoles à tout moment.
André est un bénévole engagé avec des compétences importantes, a-t-il peut-être ouvert une voie pour d’autres personnes qui ont un profil proche du sien ?
Oui. On essaie d’inclure de plus en plus un volet social à l’association. Nous voudrions aussi faire des recrutements à impact. Dans le cas d’André, on adorerait pouvoir l’embaucher dès que possible au vu de ses compétences.
Merci!